Exercice de la parole

20031214

Michel Leiris
Hier colloque à Nanterre sur Michel Leiris (ou "de l'autobiographie considérée comme un art"). Je n'ai pu assister qu'à la deuxième journée. Quelques remarques autour de la fonction constituante de la tauromachie, à la fois sur la richesse d'une thématique de la blessure [il faudrait de ce point de vue étudier la lecture par Leiris de Parsifal], et sur le léger décalage - on parle de faille - qui accompagne l'art tant dans l'arène que dans l'écriture (il s'agit partout de sortir de la ligne, sur "le terrain de vérité de l'érotisme"). Idée que l'art taurin constitue dans l'oeuvre moins une métaphore qu'un exemplum. Autre exposé intéressant sur le "regard du sourd", ou comment Leiris parvient à imposer en nous l'idée précise de la musique sans description autre que vague ni considération strictement technique. Comparaisons entre les arts musical et scriptural, fécondité de l'opéra -comme "embrayeur d'anecdotes" (Anne Roche). Un art de l'allusion qui oblige le lecteur à reconstruire un monde hors du texte, dans les termes mêmes de Leiris (voilà le piège !)Intertextualité, part d'ombre, enfance : il faudra attendre la publication des actes pour ressaisir la profondeur de cette intervention. Denis Hollier posait la question de savoir si la musique, jamais décrite en soi devait s'appuyer sur autre chose pour figurer dans l'oeuvre. Question parfaite qui permet de s'interroger sur le choix des formes par Leiris (exposé sur le journal). Le journal, lieu de réception des chimères -"Chimères, mes chéries"-, révélateur des paradoxes et des grands mouvements de l'âme (sur soixante ans !), rapports divers à l'oeuvre autobiographique (esquive de la mort dans l'écriture diariste, visée défensive -" faire soi-même sa toilette de mort"). Autre communication sur la rencontre (sujet intéressant : la passante chez Leiris). Réflexions finales sur l'archive. On a projeté la création d'un site internet sur Leiris regroupant la communauté des chercheurs. Colloque finalement instructif, convivial et agréable. Sourde insatisfaction et angoisse de ma part : toutes mes idées fortes viennent des autres. Obscur destin de plagiaire. Le ridicule de ma réponse à Ph. Lejeune qui m'indique la direction du pot final : "Je vous remercie, mais je dois courir acheter des livres de Leiris." Aurais-je été si timide devant un héros de la Star Academy?