Exercice de la parole

20040828

Beaucoup de monde aujourd'hui, quelques paroles sinon rassurantes, du moins instructives...
"Et à présent la morale. La morale esthétique. Il s'agit non seulement de voir et de mettre en relief ce qu'il y a de banal dans l'histoire, les trivialités de notre vie, mais de les faire contraster avec la prétendue réalité, par des textes, des figures, des images et des éléments acoustiques, d'y ajouter ensuite un pathos de la plus haute artificialité, donc une passion nouvelle, de l'héroïser ironiquement, et peut-être autrement que par la seule ironie, et de tout briser, par exemple les situations, en utilisant la musique ou différents plans de projection, et éventuellement par des citations historiques et des associations, et tout conduire pour finir à une naïveté terriblement simple, presque enfantine, pour autant qu'une telle chose soit encore possible, en suivant nos propres souvenirs ou en nous remémorant la vie perdue de notre culture. S'il est assez flottant pour nous aiguillonner, un mouvement en spirale des sentiments et des connaissances combinera de façon inédite les choses et les événements et les êtres pour faire apparaître des mondes singuliers. Une nouvelle unité artistique comme prolongement de la vie, le mythe d'une nouvelle métaphysique à travers le cinéma. Cela paraît compliqué - mais quand quelque chose arrive directement, qu'une chose est dite ou apparaît à l'écran, ou de la musique, qu'un élément absolument étrange nous touche avec une liberté toute neuve, c'est alors comme un choc, comme une chose jamais vue ni entendue auparavant. Et c'est précisément là que le spectateur devra faire attention et se demander si ce n'est pas tout autre chose qu'on a voulu dire ou si ce n'est en somme riend 'autre que ce qui s'offre si ouvertement à lui, que ce qu'il y a à voir ou à entendre. Par exemple ici, quand on voit s'inscrire à l'écran, tout à la fin, cette simple phrase : "mais le fruit de l'esprit, c'est l'amour et la joie, etc.", il faudrait l'analyser avec précision dans le contexte d'un film, en se demandant où et quand et par qui cette chose est dite, avec quels ingrédients optiques ou acoustiques. Tout serait dans un mouvement stimulant, ou justement pas, comme la formule de Kant, "Au-dessus de nous, il y a les astres, et en nous la loi morale", qui apparaît à deux reprises et de façon totalement différente dans la dernière partie du film. Et malgré tout ce jeu, tout s'apaisera pourtant, et il revient à l'auteur du film et à son public de décider où et quand et avec quelle intensité nous pouvons nous le permettre." (in Syberberg/Paris/Nossendorf, Editions Centre Pompidou/Yellow Now, p76)

Le film Hitler, un film d'Allemagne en ligne sur le site de Syberberg